L'Europe de la Belle Epoque

Stefan Zweig - buste sur le Kapuzinerberg à Salzbourg Stefan Zweig (1881-1942)
«Le dix-neuvième siècle, avec son idéalisme libéral, était sincèrement convaincu qu'il se trouvait sur la route droite qui mène infailliblement au «meilleur des mondes possibles». On ne considérait qu'avec dédain les époques révolues, avec leurs guerres, leurs famines et leurs révoltes, on jugeait que l'humanité, faute d'être suffisamment éclairée, n'y avait pas atteint la majorité. Il s'en fallait de quelques décades à peine pour que tout mal et toute violence soient définitivement vaincus, et cette foi en un progrès fatal et continu avait en ce temps là toute la force d'une religion. Déjà l'on croyait en ce «Progrès» plus qu'en la Bible, et cet évangile semblait irréfutablement démontré par les merveilles sans cesse renouvelées de la science et de la technique [...]
On ne croyait pas plus à des retours de barbarie, tels que des guerres entre les peuples d'Europe, qu'on ne croyait aux spectres et aux sorciers ; nos pères étaient tout imbus de la confiance qu'ils avaient dans le pouvoir et l'efficacité infaillibles de la tolérance et de l'esprit de conciliation. Ils pensaient sincèrement que les frontières et les divergences entre nations et confessions se fondraient peu à peu dans une humanité commune et qu'ainsi la paix et la sécurité, les plus précieux des biens, seraient impartis à tous les hommes.»

Stefan Zweig

Stefan Zweig en 1941 dans: Le monde d'hier - Mémoires d'un Européen